Décidément, James Gunn semble être le magicien des films de super-héros. Après avoir élevé les Gardiens de la Galaxie (2014) au rang de mastodonte du box-office1 à partir de personnages totalement inconnus du grand public, il revient sur le devant de la scène chez la Distinguée Concurrence (DC) avec The Suicide Squad, mi-suite, mi-reboot du film de David Ayer de 2016. Et encore une fois, la magie semble avoir fait son effet : à l’heure où j’écris ces lignes, le film n’est pas encore sorti aux États-Unis mais récolte les éloges de la critique spécialisée.
Personnellement, j’avais découvert James Gunn avec ses films Horribilis (Slither en VO, 2006) et Super (2010), que j’adore tous les deux. Et même si je ne suis pas fan du deuxième volet des Gardiens de la Galaxie, je trouve sincèrement que le premier est une réussite totale. Bref, tout ça pour dire que je partais très enthousiaste vis à vis de The Suicide Squad. Mais le film tient-il toutes ses promesses ?
Avant d’entrer plus en détails dans le vif du sujet, rappelons le principe de la Suicide Squad : on y suit une équipe de super-méchants recrutés par Amanda Waller pour des opérations clandestines extrêmement importantes et incroyablement dangereuses. Pour s’assurer de leur coopération, une bombe est insérée dans leur crâne, prête à exploser si leur mauvaise nature commençait à refaire surface, et le colonel Rick Flag les accompagne, chargé de coordonner le tout. Leur mission du jour est de s’infiltrer sur l’île de Corto Maltese, où un coup d’état vient de se produire, pour y détruire une mystérieuse arme secrète qui menace le monde entier… Bloodsport, The Peacemaker, Ratcatcher 2 et les autres super-vilains arriveront-ils à s’entendre pour sauver le monde ?
Un film auquel il manque une ou deux ré-écritures
Disons-le tout de suite, le film n’est pas complètement mauvais. Mais connaissant le talent de scénariste de James Gunn, on est en droit de s’étonner lorsqu’on voit que le vrai défaut du film est son écriture : outre des blagues qui ne font mouche qu’une fois sur deux (à mon sens), on dirait que le film ne sait pas vraiment ce qu’il a envie de raconter.
Exemple flagrant, le premier point vraiment intéressant du scénario n’est abordé qu’au bout d’une heure et demie de film (!), quand l’équipe arrive sur le lieu où est cachée l’arme secrète. Avant ça, on se retrouve à les voir devoir chercher deux des leurs capturés (honnêtement, tout bonnement du bon gros remplissage de scénario), pour après devoir trouver le méchant qui les fera entrer dans la base secrète (pareil, rien d’intéressant d’un point de vue scénaristique ne se passe vraiment lors de la capture du méchant), pour finalement arriver à la base, où ENFIN quelque chose d’intéressant se produit.
Pourtant, on sent que James Gunn parvient à toucher des choses très intéressantes par moments, et qu’il avait de quoi exploiter à fond le concept d’une équipe de super-méchants sauvant le monde. La première scène est en ce sens presque parfaite : là où le premier film n’arrêtait pas de nous dire que les vies des membres de la Suicide Squad étaient sans valeur pour la cheffe Amanda Waller, cette première scène le démontre en transformant une partie de l’équipe en chaire à canon.
Mais surtout, là où le film touche du doigt une histoire vraiment intéressante est dans son trio dont la relation aurait dû constituer le coeur du film, mais qui se voit reléguée au second plan. À travers Bloodsport, The Peacemaker et le Colonel Rick Flag, Gunn nous présente trois personnages qui semblent très similaires dans leur fonction, mais qui diffèrent par leur conception du monde : si Flag et The Peacemaker partage une aspiration à la paix, le premier est moralement intransigeant là où le second considère que la fin justifie les moyens2. Entre eux deux se situe Bloodsport, qui a un bon fond mais accepte les compromis. Difficile de ne pas voir dans les relations entre trois personnages poursuivant le même but avec des conceptions différentes un film beaucoup plus riche que ce qu’on a eu au final3. D’ailleurs les dix minutes les plus intéressantes du film sont celles qui justement traitent ce sujet là, juste avant le combat final grandiloquent mais tellement moins impactant.
Mais au lieu de ça, The Suicide Squad préfère perdre son temps avec trop de personnages, et surtout trop de scènes qui semblent avoir été écrites “juste pour les lolz”. Si le film était passé par la case “ré-écriture” une fois de plus pour recentrer l’histoire sur ce qui compte vraiment au lieu de se disperser à droite et à gauche, je pense sincèrement qu’on aurait pu avoir affaire à un grand film. Malheureusement, on est face à un produit qui s’il est sympathique, est très loin d’être un chef-d’oeuvre.
Ah, et peut-être remarquerez-vous que je n’ai pas du tout parlé de Harley Quinn, qui est pourtant la coqueluche du film. Eh bien sachez que son rôle dans le film est le même que dans cette critique : sans Harley Quinn, ma critique reste exactement la même, sauf qu’elle aurait été mieux, et surtout plus courte.
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Près de 800 millions de dollars à l’international ! ↩︎
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Ce qui est génial avec ça, c’est que les blagues à base de “j’aime la paix, et je m’en fiche combien d’hommes, de femmes et d’enfants il faudra tuer pour l’amener sur terre” ne servent plus seulement un propos humoristique, mais annoncent (ce qui aurait dû être) la confrontation finale. ↩︎
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Ce n’est pas pour rien que Le Bon, la Brute et le Truand (Sergio Leone, 1966) est l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma ! ↩︎